Je vous propose celui-ci : <br /> <br /> <br /> <br /> Un crucifix<br /> <br /> <br /> <br /> Au bout d'un bas-côté de l'église gothique,<br /> <br /> Contre le mur que vient baiser le jour mystique<br /> <br /> D'un long vitrail d'azur et d'or finement roux,<br /> <br /> Le Crucifix se dresse, ineffablement doux,<br /> <br /> Sur sa croix peinte en vert aux arêtes dorées,<br /> <br /> Et la gloire d'or sombre en langues échancrées<br /> <br /> Flue autour de la tête et des bras étendus,<br /> <br /> Tels quatre vols de flamme en un seul confondus.<br /> <br /> La statue est en bois, de grandeur naturelle,<br /> <br /> Légèrement teintée, et l'on croirait sur elle<br /> <br /> Voir s'arrêter la vie à l'instant qu'on la voit,<br /> <br /> Merveille d'art pieux, celui qui la fit doit<br /> <br /> N'avoir fait qu'elle et s'être éteint dans la victoire<br /> <br /> L'être un bon ouvrier trois fois sûr de sa gloire.<br /> <br /> « Voilà l'homme ! » Robuste et délicat pourtant.<br /> <br /> C'est bien le corps qu'il faut pour avoir souffert tant,<br /> <br /> Et c'est bien la poitrine où bat le Cœur immense :<br /> <br /> Par les lèvres le souffle expirant dit : « Clémence »<br /> <br /> Tant l'artiste les a disjointes saintement,<br /> <br /> Et les bras grands ouverts prouvent le Dieu clément ;<br /> <br /> La couronne d'épine est énorme et cruelle<br /> <br /> Sur le front inclinant sa pâleur fraternelle<br /> <br /> Vers l'ignorance humaine et l'erreur du pécheur,<br /> <br /> Tandis que, pour noyer le scrupule empêcheur<br /> <br /> D'aimer et d'espérer comme la Foi l'enseigne,<br /> <br /> Les pieds saignent, les mains saignent, le côté saigne ;<br /> <br /> On sent qu'il s'offre au Père en toute charité.<br /> <br /> Ce vrai Christ catholique éperdu de bonté,<br /> <br /> Pour spécialement sauver vos âmes tristes,<br /> <br /> Pharisiens naïfs, sincères jansénistes !<br /> <br /> — Un ami qui passait, bon peintre et bon chrétien<br /> <br /> Et bon poète aussi — les trois s'accordent bien —<br /> <br /> Vit cette œuvre sublime, en fit une copie<br /> <br /> Exquise, et, surprenant mon regard qui l'épie,<br /> <br /> Très gracieusement chez moi vint l'oublier.<br /> <br /> Et j'ai rimé ces vers pour le remercier. —<br /> <br /> <br /> <br /> Paul Verlaine - Recueil : Amour (1888).<br /> <br /> <br /> <br /> Je visite des églises et chapelles, recueillie, dans cette contemplation des Crucifix, des nombreuses statues trônant au cœur de ces lieux chargés d'Histoire, de souffrances, de joies, de chants, de louanges à Celui qui souffrit pour nous sur la Croix, auprès de Sa Mère et des saints . . . Ô combien j'aimerais composer d'aussi beaux vers que ceux de Paul Verlaine !