À échéance régulière, la presse occidentale bruisse d’une prédiction : l’économie chinoise serait sur le point de s’effondrer. Si l’infirmation systématique de leurs certitudes devrait inviter les oracles modernes à la prudence, elle ne suggère toutefois pas que la Chine se trouve à l’abri des convulsions. Sans frôler la banqueroute, l’empire du Milieu fait face à de sérieux défis.
La machine économique chinoise est-elle en train de se gripper ? C’est ce que laisse accroire un flux continu d’analyses et de commentaires pessimistes, voire alarmistes, publiés tout au long de cette année 2023. Pour M. Joseph Biden, président des États-Unis, l’économie chinoise s’apparente à une « bombe à retardement ». Moins outrancier, l’hebdomadaire The Economist s’est contenté, en couverture (13 mai), de poser la question « Peak China ? » (La Chine a-t-elle atteint son apogée ?). La même expression avait été employée l’an dernier, mais sans point d’interrogation, dans un ouvrage très remarqué à Washington signé par les politologues Hal Brands et Michael Beckley. Pour ces derniers, la République populaire de Chine (RPC) est devenue une puissance « déclinante mais réfractaire » dont les ambitions déçues nourriront la belligérance dans les années à venir.
La noirceur du tableau a de quoi surprendre, d’autant que l’économie a déjà engrangé plus de quatre points de croissance du produit intérieur brut (PIB) entre janvier et septembre 2023 (soit plus de 5 % sur une base annuelle). Les prédictions pessimistes sur la Chine sont un véritable serpent de mer du discours médiatique occidental. Dans les années 2000, son économie était menacée par la « surchauffe » ; en 2009-2010, par la crise financière mondiale et la contraction du commerce international ; en 2015-2016, par un excès d’endettement et les fuites de capitaux. Le Monde, en 2012, ne titrait-il pas « Chine : le capitalisme d’État se fissure » ? Le secteur public n’a pourtant jamais disposé d’une telle abondance de richesses : 308 300 milliards de yuans (environ 40 000 milliards d’euros) d’actifs détenus par les entreprises d’État non financières fin 2021, soit près de trois fois le PIB chinois et plus de quinze fois le PIB français. L’économie a plus que doublé en volume entre 2010 et 2022, selon la Banque mondiale.
À défaut d’être toujours fiables, ces diagnostics de crise et de stagnation ont sans doute la vertu de rassurer les (...) suite pour les abonnés